La seule excuse que l’on puisse invoquer pour ajouter une nouvelle interprétation de l’argument de saint Anselme à toutes celles que nous avons déjà, c’est l’impossibilité de résister à la tentation. J’y ai résiste pendante de longues années, me contentant d’enseigner saint Anselme tel que je coyais le comprendre, mais en gardant au moins le sentiment que, là où tout le monde est en déssacord, un individu isolé à bien peu de chances d’atteindre la vérité.
Je ne me flatte pas aujourd’hui de l’avoir découverte, mais de si importantes contributions à l’étude de la question ont paru récemment, notamment celles de Karl Barth et du P. Anselm Stoltz, qu’il m’a semblé moins inutile qu’auparavant de proposer mes hypothèses. Jamais, en effet, la question n’a été serrée d’aussi près qu’elle vient de l’être. Karl Barth a soumis le texte de saint Anselme à une exégèse aussi scrupuleuse que s’il se fût agi d’un écrit inspiré pour discuter son livre, il faudrait en écrire un autre, deux fois plus long, qui tiendrait compte à la fois de la théologie de saint Anselme et de celle de Karl Barth. Le P. Anselm Stoltz a critiqué Karl Barth, et l’on ne pourrait apprécier justement son travail qu’en en faisant l’objet d’un autre travail. Je ne crois pas que l’un ni l’autre aient dit le dernier mot sur la question, mais l’un et l’autre on certainement mis en relief certains éléments essentiels de la pensée anselmienne, que l’on avait trop négligés jusqu’ici.
Ét. Gilson. Sens et Nature de l’argument de saint Anselme.
Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen-âge. 1934. pp. 5-52.
Gilson. Sens Et Nature de l’Argument de Saint Anselme. 1934.