Thierry. St. Jean Chrysostome et l’impératrice Eudoxie : la société chrétienne en Orient. 1874.

RÉCITS DE L’HISTOIRE ROMAINE
AU Ve SIèCLE

ST JEAN CHRYSOSTOME

ET

L’IMPÉRATRICE EUDOXIE

LA SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE EN ORIENT

PAR AMÉDÉE THIERRY
Membre de l’Institut.

Deuxième édition.

PARIS
LIBRAIRIE ACADÉMIQUE
DIDIER ET Ce, LIBRAIRES-ÉDITEURS
QUAI DES AUGUSTINS, 35
1874

La vie publique de Jean Chrysostome, archevêque de Constantinople et le prince des orateurs de l’Église d’Orient, se compose de deux grands événements liés de la façon la plus étroite à l’histoire du Ve siècle : d’abord cette querelle avec l’eunuque Eutrope, à propos de l’immunité des asiles, qui contribua puissamment à la chute du ministre d’Arcadius; puis sa lutte contre l’impératrice Eudoxie, qui attira sur sa tête des persécutions sans nombre , et enfin l’exil et la mort.
Le premier de ces événements a pris place dans un de nos précédents récits, celui qui concerne les trois ministres des iils de Théodose, Rufin, Eutrope et Stilicon, ces hommes si funestes à leurs maîtres, ut plus encore au monde romain. Le deuxième fera la matière des récits qui vont suivre.
La lutte entre Ghrysostome et la femme d’Arcadius fait partie de l’histoire générale, parce que l’univers romain y fut tout entier mêlé, l’Occident comme l’Orient, la vieille Rome comme la nouvelle, le pape comme les empereurs, les évêques comme les clercs des églises, le peuple comme les fonctionnaires et les courtisans : tout le monde, en un mot, y prit part dans un camp ou dans l’autre. Les ressorts de toutes les passions humaines, la haine, l’affection, l’envie, furent mis en jeu pour ou contre avec une égale intensité, au sein de la société chrétienne : les païens eux-mêmes s’émurent. Ce drame si varié dans ses péripéties, si tragique dans son dénoûment, fait donc passer sous nos yeux le tableau de cette société sons ses formes et dans ses conditions les plus diverses.
Saint Jérôme a été pour nous le sujet d’un travail analogue, mais relatif surtout à l’Occident. Nous avons montré se groupant autour de cet homme éminent par le génie, mais sans autorité directe sur les peuples, et simple prêtre, des individualités notables du patriciat, tout le clergé romain, et des femmes qui unissaient aux plus grands noms le savoir et la richesse. Toutefois le cadre du tableau était restreint, et les faits, si intéressants qu’ils fussent au point de vue humain, ne se rattachaient qu’imparfaitement aux grandes lignes de l’histoire.
Il en est autrement de Chrysostome. Tout dans la vie du patriarche de Constantinople est historique au premier chef, et sa personnalité qui se détache avec tant de relief au milieu des événements n’en saurait être séparée. Chrysostome, dans nos récits, est l’archevêque plutôt que l’orateur à qui sa douce et abondante élocution fit donner le surnom de bouche d’or. Homme du gouvernement épiscopal visà-vis de son clergé et des autres clergés d’Orient, il représenta vis-à-vis de l’empereur et de la cour l’autorité ecclésiastique dans ses droits réels comme dans ses écarts. A l’aide de ce double caractère, nous avons pu entrer dans l’analyse de la société orientale plus profondément que ne l’eût jamais permis l’histoire profane la plus détaillée.



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