Dans le livre XI, le problème du temps est abordé en corrélation directe avec celui de la création. La première problématisation de ce concept de temps, le premier dilemme ou la première polémique d’Augustin est celle de savoir ce « que faisait Dieu avant de faire le ciel et la terre ? » [X. 12] La « polémique » vise d’abord les manichéens. Un passage de la Cité de Dieu où il aborde ce même problème montre en effet qu’il répond ici à deux catégories d’objectants. Aux manichéens qui posent un monde sans commencement qui n’a pas été créé par Dieu, Augustin répond que tout ce qui est est l’oeuvre de Dieu, le monde lui-même étant également une création. Ensuite aux néo-platoniciens qui lui demandent alors ce qui pouvait bien précéder cette création-là, Augustin leur rétorque qu’il ne faut pas parler en termes de précédence de quelque chose qui viendrait « avant » la création puisque si tout ce qui est, est l’oeuvre de Dieu, le temps a lui aussi été créé par Dieu et il n’y avait pas d’ « avant » la création puisque « avant » est lui-même création : « Oui, comment d’innombrables siècles auraient-ils pu passer, sans que toi-même tu les aies faits, alors que tu es l’auteur et le créateur de tous les siècles ? » [XI, XIII,15]. Ou encore : « Il n’y a donc eu aucun temps où tu n’aies fait quelque chose, puisque le temps lui-même, c’est toi qui l’as fait » [XI, XIV, 17]. Le temps n’est pas plus que la matière quelque chose qui vient s’imposer de l’extérieur et ordonner à ses caractéristiques l’acte de création ; tout comme la matière, le temps est un outil que Dieu s’est donné pour créer le monde. Non qu’il soit dépendant du temps ou de la matière mais plutôt qu’il nous ait créés comme êtres matériels et temporels.
Gaelle Jeanmart, “Herméneutique et subjectivité dans les Confessions d’Augustin”, III. Lire à la Volonté de Dieu: La Cure de la Volonté dans l’exégèse Biblique, ‘Les solitudes de la lecture’, Nota in pede 285, pp. 185-186. Brepols, Monothéismes et Philosophie, 8. 2006.