BULLETIN DE CORRESPONDANCE AFRICAINE
HISTOIRE
du
PATRIARCHE COPTE ISAAC
ÉTUDE CRITIQUE, TEXTE ET TRADUCTION
E. AMÉLINEAU
PARÍS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BONAPARTE, 28
1890
Le document copte, sur lequel j’appelle aujourd’hui l’attention
du monde savant, est le premier des deux qui, à ma
connaissance, ont été seuls écrits pendant la domination
arabe, ou tout au moins nous sont seuls parvenus. Les principales
oeuvres coptes virent le jour entre le concile de Nicée
et celui de Chalcédoine, c’est-à-dire de l’an 325 à l’an 451 de
notre ère, à l’époque la plus brillante du christianisme en
Egypte. Il y eut en ce temps-là une floraison merveilleuse de
martyres, de vies de Pères, de discours, de romans, etc. ; après
le schisme qui fut l’effet du concile de Chalcédoine, l’ardeur
des disputes théologiques et la nécessité de fuir la persécution
melkite ne laissèrent plus aux auteurs le temps et le
calme d’espril nécessaires pour la composition. Ou se contenta
dès lors presque absolument de recopier, en les ornant, en
oeuvres déjà connues. Pendant un siècle encore on lit quelques
oeuvres nouvelles sur le modèle des anciennes ; puis, un silence
presque complet depuis la seconde moitié du vi siècle jusqu’à
nos jours. A une certaine époque de la domination arabe, il
y eut comme une sorte de renaissance littéraire chez les
Coptes; mais, au lieu de composer des ouvrages originaux, ils
se bornèrent à traduire en arabe leurs livres nationaux et, si
l’on en composa de nouveaux, on ne se servit plus de la langue
nationale, mais de la langue des conquérants pliée aux besoins
d’une population chrétienne. Seuls, au milieu de cette nuit,
se trouvent trois documents, le premier écrit peu de temps
après l’invasion des Perses en Egypte, sous le règne funeste
d’Héraclius ; les deux autres sous la domination arabe à un
intervalle très éloigné : en effet l’un est de la tin du vii siècle
ou du commencement du vin-, l’autre date du temps des
Croisades et a été composé en l’année 1210. J’ai déjà publié
le premier’ et le troisième’ de ces documents; j’en publie
aujourd’hui le second, la Vie du patriarche Isaac, le quarante
et unième patriarche qui gouverna l’Egypte chrétienne.
Malgré le peu de foi que l’on doit ajouter aux oeuvres coptes,
même à celles qui paraîtraient tout d’abord historiques, la
publication de ces documents, de celui-ci enparticuher, ne
sera pas inutile, je crois, à l’histoire générale du christianisme
en Egypte. Si les Coptes n’ont jamais su se débarrasser des
couleurs merveilleuses dont ils chargent à plaisir leurs récits,
ils ont admirablement fait connaître leurs idées et peint leurs
moeurs, parce qu’ils l’ont fait sans le savoir et sans le vouloir.
Sous ce rapport la publication de leurs oeuvres ne sera jamais
sans intérêt, surtout si l’on peut insuffler quelque souftle de
vie à des cadavres depuis longtemps inanimés et si l’on prend
soin de dégager les renseignements historiques qui se trouvent
plus ou moins couverts d’une couche merveilleuse. J’ai tâché
de faire ailleurs un tableau aussi vivant que possible delà Vie
du patriarche Isaac; je me bornerai ici à discuter les ques-
lions soulevées par l’examen du lexle même et à tirer de celte
discussion les conséquences qui peuvent servir à l’aviincement
de nos connaissances pour ce qui regarde l’histoire de l’Egypte
chrélienne, histoire si dénaturée, si peu coimue et cependant
si digne de l’être.